Instagram Kids à la lumière des Facebook Papers

Jeune fille triste sur les réseaux sociaux
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À l’automne 2021, Frances Haugen, ancienne employée chez Meta (auparavant nommé Facebook), divulgue les pratiques dangereuses de la compagnie. Elle apparaît devant le Congrès américain pour partager ses préoccupations et témoigner de son expérience au sein de l’entreprise. En dévoilant des documents de Facebook, elle expose les résultats d’une recherche interne. Le Wall Street appelle rassemble ces documents et les expose au grand public sous le nom des Facebook Papers. Les données sont choquantes. Selon l’étude, 13,5% des adolescentes sur Instagram rapportent que la plateforme empire leurs pensées suicidaires et de mutilation. 17% des jeunes filles disent qu’Instagram empire leur trouble de l’alimentation. Même à la lumière de cette recherche, Meta considère les préadolescents comme un « marché inexploré ». L’entreprise planifie de créer Instagram Kids, qui s’adresserait aux 13 ans et moins.

La réponse de Facebook

En réaction au témoignages de Haugen, Facebook tente de réduire l’impact en affirmant que les informations sont subjectives et ne représentent pas la réalité. La compagnie tente même de diffamer la lanceuse d’alerte, pour diminuer la crédibilité de ses déclarations. La porte-parole de Facebook, Lena Pietsch, souligne : « Nous ne sommes pas d’accord avec sa façon de présenter les sujets sur lesquels elle a témoigné. Mais nous sommes d’accord sur une chose : il est temps de créer de nouvelles règles pour Internet. (…) Et plutôt que d’attendre de l’industrie des changements sociétaux (…) il est temps pour le Congrès d’agir. » Dans ce témoignage, Facebook reconnaît qu’il est nécessaire de modifier les politiques d’utilisation des réseaux sociaux, tout en admettant qu’il ne sera pas le vecteur de cette évolution. 

 Frances Haugen for Facebook Whistleblower Testifies on Protecting Kids Online on C-SPAN

Instagram Kids

En mai 2021, Instagram annonce son projet de développer une plateforme visant un public de 13 ans et moins. Ce projet est expliqué par la compagnie comme une solution au problème majeur de l’industrie : les enfants utilisent des applications inappropriées pour eux. Après cette fuite de données, il est intéressant de se pencher sur les répercussions possibles d’une plateforme comme Instagram Kids. Dans un contexte où les réseaux sociaux sont partie intégrante de la vie courante, il est improbable que ce projet amène un réel changement. Pourtant, Instagram croit que c’est la bonne chose à faire, mais le projet est interrompu. En réponse à l’exposition des documents internes de Facebook, Instagram met en pause son projet. Des plateformes, comme TikTok et YouTube, possèdent déjà des options de contrôle parental. Le problème subsiste puisqu’une fois le contrôle parental retiré, les jeunes sont confrontés aux mêmes contenus toxiques. 

Un changement de nom stratégique

Facebook, en octobre 2021, effectue un rebranding intégral de sa compagnie. Désormais, l’agglomération de réseaux sociaux se nomme Meta et se fixe de nouveaux objectifs. Elle souhaite rassembler les gens à l’aide de communautés et aider les compagnies en pleine croissance. Selon Mark Zuckerberg, ce changement vise à construire un “Métavers”, une plateforme qui permettra aux usagers d’être connectés de manière virtuelle, au moyen de lunettes de réalité augmentée. C’est selon certains un effort pour se distancier des critiques adressées sans effectuer de véritables changements à ses politiques. À un moment où la popularité de Facebook est en déclin auprès des jeunes, cela semble être une stratégie pour élargir l’influence de l’entreprise. 

Meta en 2022

Suite au scandale engendré par la fuite, Meta fait face à plusieurs menaces judiciaires concernant la sécurité des adolescentes sur ses plateformes. Les nouvelles poursuites accusent Instagram d’être la cause de dépressions, de troubles alimentaires et même de suicides chez plusieurs enfants. Des témoignages troublants rapportent que des adolescentes son exposées à des publications encourageant l’automutilation. Dans plusieurs cas, les usagères consultent des contenus nocifs en consultant des hashtags comme #suicide ou #selfharm. Les documents confidentiels révélés par Haugen appuient prouvent que la compagnie connaît les dangers de sa plateforme.

Meta déploie tout de même des efforts pour améliorer la sécurité des enfants. En mars 2022, l’entreprise présente son Family Center, un moyen de supervision incluant de nouveaux outils de contrôle parental. Les parents pourront surveiller le temps d’utilisation de leur enfant, les comptes qu’il suit ainsi que ceux qui le suivent. Ces mesures sont bien accueillies par les experts. Ils estiment que tout effort favorisant la sécurité des enfants est opportun. Toutefois, certains sont d’avis que les outils sont désuets. D’après Ysabel Gerrard, sociologue de l’université de Sheffield, la sécurité sur internet ne se limite pas au temps d’écran. Selon elle, Meta devrait se concentrer sur les expériences néfastes comme l’intimidation, la baisse d’estime de soi et les pensées suicidaires. 

Plus d’un an après l’annonce d’une pause dans la conception d’Instagram Kids, Meta n’émet aucun nouveau commentaire à ce sujet. 

Mark Zuckerberg and Meta
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Des promesses vides

En 2018, Mark Zuckerberg apparaît devant le Congrès américain pour répondre aux accusations contre la plateforme après la fuite. Cette situation remonte à 2016, alors que la firme travaillait pour la campagne politique de Donald Trump. Lors de son passage, Zuckerberg admet sa faute et clarifie la priorité de Facebook : « protéger notre communauté est plus important que de maximiser nos profits ». Un commentaire qui, trois ans plus tard, perd tout son sens grâce à la lanceuse d’alerte. Les données alarmantes sur l’effet des réseaux sociaux dans la vie des adolescents promettent une décennie remplie de débats sur la sécurité des enfants, surtout avec la venue imminente d’Instagram Kids.