Alex Jones bannis de Twitter, censure ou pas ?

Le 6 septembre dernier, la plateforme Twitter a annoncé la suspension définitive des comptes associés à l’animateur radio, théoricien du complot de droite, Alex Jones . Cette décision fait suite aux actions similaires entreprises par d’autres plateformes numériques. En effet le 6 août dernier c’était Facebook, YouTube, Pinterest , Spotify et  Apple music qui supprimaient les comptes de l’animateur polémiste et son émission controversée Info Wars. 

Je vous invite à regarder brièvement cette vidéo pour comprendre toute la subtilité du personnage qu’est alex Jones.

Les plateformes ont toutes affirmé par des communiqués que la raison de ce «ban» avait pour cause le fait qu’Alex Jones et sa page Info Wars enfreignaient leurs politiques d’utilisateurs. Selon eux, Alex Jones a incité à la violence avec son segment sur Sandy Hook. Il soutenait l’idée que l’événement était une machination orchestrée par le gouvernement américain. En réponse aux propos de l’animateur, un regroupement de parents, dont les enfants sont morts lors de la tragédie de 2012, ont intenté une poursuite le 1er août dernier.  Cela précède de  5 jours  les sanctions entreprises par  Facebook, YouTube Spotify, Pinterest et Apple music.

 

I mean it’s fake! It’s fake! You’ve got parents acting … it’s just the fakest thing since the three dollar bill  (….) I’ve looked at it and undoubtedly there’s a cover-up, there’s actors, they’re manipulating, they’ve been caught lying and they were preplanning before it and rolled out with it. -Alex Jones

Au niveau légal

Cependant, le fait que la plupart des plateformes aient «banni» Alex Jones simultanément a éveillé l’esprit  conspirationniste des adeptes de l’animateur. Ils se sont empressés d’invoquer la censure et l’atteinte au premier amendement de la constitution. Pourtant, David French, juriste du premier amendement n’est pas de cet avis. Il affirme que les actions entreprises par les multiples plateformes ne constituent en rien, du moins au niveau de la loi, une enfreinte au premier amendement. Ce dernier servant à protéger la liberté d’expression aux États unisL’une des premières choses que l’on remarque en lisant le premier amendement est le manque de précisions.

there is no First Amendment violation when a private company chooses to boot anyone off a private platform. -David French

En effet, la constitution ayant été écrite en 1789, la notion d’un réseau de communication à l’échelle d’internet était impensable . Depuis, le contrôle de l’information sur internet est un sujet extrêmement controversé aux États-Unis. La plupart des lois concernent soit la sécurité nationale (TWEA, CISA), la protection des mineurs (CIPA,COPPA ) ou la violation de copyright (DMCA, SOPA). Une des seules lois qui concerne la diffusion d’information jugée «néfaste» est «the Communications Decency Act» de 1996. Il s’organise surtout autour des contenus pornographiques. Alors qu’en est-il de la protection des victimes de discours haineux ? Et bien, c’est du cas par cas. Il ne semble pas y avoir de critères infaillibles d’un point de vue juridique pour définir un «propos haineux». Lorsqu’une situation similaire amène les personnes concernées devant les tribunaux, les avocats du plaignant vont souvent faire appel à la diffamation (libel and slander). Il est beaucoup plus facile de définir cette dernière cette dernière que le discours haineux.

 

Les politiques d’utilisateurs c. la loi

Dans ces circonstances, les plateformes numériques se basent sur leurs politiques d’utilisateur. Cela permet de juger ou se trouvent la limite entre liberté d’expression et propos haineux.

Le 8 août dernier pourtant, Jack Dorsey P.D.G. de Twitter se défendait de ne pas avoir banni l’animateur.

Pourtant, un mois plus tard, il change de décision en donnant des raisons qui n’ont pas convaincu certains utilisateurs. En effet, il est étonnant de s’imaginer que durant ses années passées sur le site, Jones n’ait jamais enfreint les règlements de Twitter. Encore plus étonnant encore qu’on juge qu’il ait dépassé les bornes un mois seulement après la décision prise par les autres géants du web. Bien sûr, aucune preuve tangible ne peut être établie  entre la décision de Twitter et celle des autres plateformes…

Des raisons économiques

Pourtant, on peut avancée une piste. Il s’agit du conflit d’intérêts entre les annonceurs publicitaires et les créateurs de contenu. En ce qui concerne la consommation de produits ‘’gratuits’’ du web: «si vous ne payez pas, vous êtes le produit». Rentabiliser une plateforme gratuite comme Twitter, Google ou Facebook  peut s’avérer difficile. 95% des revenus de Google proviennent des publicités dirigées. Pour Twitter, on parle d’au moins 86%. Il s’agit de plusieurs milliards de dollars. Le problème, c’est que les entreprises ne veulent pas annoncer leur produit sur des pages abordant des sujets considérés controversés ou intolérants .

 

YouTube et «l’addpocalypse»

Pour illustrer  cette situation, prenons en exemple le cas de YouTube. En avril 2017, plusieurs annonceurs importants comme Walmart, Pepsi et McDonald ont retiré leurs publicités de YouTube. Ces compagnies ne voulaient pas être associé à des chaînes dites intolérantes. YouTube a donc mis sur pied un système automatisé servant à déceler le contenu jugé  ‘’inapproprié pour les annonceurs’’. Comme résultat, une multitude de créateurs se sont retrouvés du jour au lendemain sans revenu. Par ailleurs, le système étant complètement automatisé, ne prend pas en compte le contexte dans lequel un propos était avancé.

Donc, les créateurs se sentent censurés et forcés  à créer un contenu insipide et formaté.  Des chaînes importantes en nombre d’abonnés ont dû changer leur contenu pour convenir à la nouvelle politique de YouTube. Plusieurs chaînes d’actualité comme ‘’The Philip DeFranco show’’ doivent s’appuyer sur les dons de leurs spectateurs puisque le site ne monétise pas «les contenus vidéos traitant en partie ou intégralement de sujets ou d’événements sensibles». Une situation du genre met en valeur les conflits d’intérêts entre les annonceurs, les plateformes et les créateurs. Situation encore plus déplorable puisque ces créateurs et utilisateurs sont la raison pour laquelle les plateformes sont ce qu’elles sont  aujourd’hui