Obsession des réseaux sociaux pour le corps des femmes
Les plateformes sociales telles qu’Instagram et Facebook ont notamment permis le partage virtuel d’images de corps féminins plus diversifiés. Elles sont devenues des espaces publics de mobilisation plus inclusifs que les espaces médiatiques traditionnels. Bien que ces nouveaux espaces publics sont plus inclusifs, ces derniers n’échappent pas à l’obsession des réseaux sociaux qui portent un regard patriarcal sur le corps des femmes. En effet, ces plateformes sociales restent censurées et empêchent la visibilisation de tous les types de corps. Fréquemment, sur Instagram et Facebook, des membres se font retirer leurs publications en raison des conditions d’utilisations non respectées. Vous vous douterez que ces retraits visent plus particulièrement les femmes. Les réseaux sociaux sont donc des espaces où les corps féminins sont hypersexualisées et où ils sont captifs au système patriarcal oppressif.
Qu’est-ce que l’hypersexualisation et qui ça touche plus particulièrement?
Avant de parler d’hypersexualisation, il serait intéressant de définir ce terme et de savoir qui ça touche plus particulièrement. L’hypersexualisation consiste à accorder un caractère sexuel à un comportement ou à un produit qui n’en a pas en soi. Ce phénomène de société s’observe notamment par la censure d’images sur Instagram et Facebook qui ne sont pas à caractère sexuel. En donnant une plus grande attention aux politiques de censure de contenu, on constate rapidement que ce sont les femmes cisgenres qui voient leurs publications le plus souvent retirées. En effet, les hommes et les femmes ne se voient pas réserver le même traitement pour du contenu similaire. Comme si une image qui révèle plus de peau représentant une femme est assurément à caractère sexuel.
Bref retour en arrière sur les espaces réservés aux corps…
Historiquement, la société occidentale, dominée par les hommes blancs hétérosexuels, a établi une forme de contrôle sur les corps des personnes cisgenres. Ces derniers appartenant à des espaces précis dans la société. D’un côté, les femmes se sont retrouvées associées à l’espace privé. De l’autre, les hommes pouvaient jouir de l’espace public construit par et pour eux. L’héritage de cette division genrée des espaces fait en sorte que les femmes, bien qu’elles aient maintenant accès aux espaces publics, y circulent selon les normes mises en vigueur par les hommes. Selon la sociologue Christine Détrez, les plateformes sociales telles que Facebook et Instagram donnent une fausse impression d’égalité. Ainsi, les politiques de censures des réseaux sociaux sont pensées par et pour des hommes. Ceux-ci voyant la censure et la pudeur des corps féminins comme un moyen subtil de perpétrer leur oppression.
Le double standard des politiques de censure
Le double standard des politiques de censure qui entoure la nudité démontre la domination masculine sur les réseaux sociaux. Sur Instagram et Facebook notamment, les mamelons de femmes sont censurés et sexualisés tandis que ceux des hommes ne le sont pas. De plus, l’humoriste Éric André en 2016 a publié une photo de lui complètement nu sur Facebook. L’objectif étant de voir si l’algorithme de l’application allait retracer aussi vite un pénis que les mamelons d’une femme. La photo est restée pendant 18 heures en ligne alors que les tétons féminins se font retirer en moins de deux minutes. Ces applications ont donc codé pour reconnaître un mamelon dans un contexte féminin, mais non pour reconnaître un pénis. Cette expérience a permis de démontrer l’obsession des réseaux sociaux pour le corps des femmes cisgenres.
Semblablement, un deuxième exemple démontre l’incohérence des conditions d’utilisations d’Instagram. Plus récemment, Andrew Tate, un homme influant sur les réseaux, partageait des propos violents, racistes, homophobes, sexistes et il encourageait la culture du viol. Ce n’est qu’après de nombreuses signalisations qu’il s’est fait bannir des applications Facebook, Instagram et TikTok. Avec cette situation, la domination masculine sur les réseaux sociaux est évidente puisque la censure de ces propos problématiques n’a pas eu lieu. Cependant, les mamelons féminins eux ont été censurés. Ainsi, sur ces applications, il est considéré acceptable de partager des propos haineux normalisant la négativité autour des corps féminins sous la couverture de la liberté d’expression. Par contre, il est considéré inacceptable que les femmes aient la liberté de disposer de leurs corps et de publier le contenu qu’elles désirent. Ainsi, les femmes ne circulent pas sur ces espaces publics de la même façon que les hommes.
L’impact du mouvement #FreeTheNipples
Ensuite, le mouvement Free the nipples est apparu en 2012 à la suite de la sortie d’un film du même nom, Free the Nipple. Effectivement, ce film est à la base d’une campagne qui va mettre de l’avant l’inégalité de la nudité des torses. Rapidement, ce mouvement va faire le tour de la planète et il aura d’importantes répercussions. En Angleterre, 200 femmes et hommes se sont promenés sur une plage sans chandail. Ce mouvement a débuté sous une question simple, mais sans réponses : pourquoi les hommes ont-ils le droit d’enlever leur chandail lorsqu’il fait chaud, tandis que les femmes n’ont pas le droit?
Il y a aussi la question de l’égalité des sexes hommes-femmes. Est-ce que le téton d’une femme est si différent que celui d’un homme ? Pourquoi le mamelon d’une femme est-il aussi tabou que ça? D’ailleurs, à la suite de ce mouvement, un compte anonyme sur Instagram se nommant Safenipple a commencé à publier des photos photoshopées de seins de femmes sans mamelons. Étonnamment, selon l’algorithme d’Instagram, le retrait de ces photos n’est pas nécessaire. Ainsi, il est quand même assez étrange qu’un sein soit accepté, mais pas le mamelon d’une femme. Cela démontre, également, l’obsession des réseaux sociaux pour le corps des femmes.
Un algorithme discriminant surtout pour les personnes avec un peu plus de poids
Enfin, l’algorithme étant conçu par des humains peut conduire à des inégalités demanière intentionnelle ou non. L’application Instagram notamment est reconnue pour discriminer de manière grossophobe les corps. Par exemple, l’image à gauche comprend deux photos. Celle de gauche nous montre une ancienne mannequin de Victoria’s Secret assise à moitié nue, le sein recouvert par sa main gauche. La photo de droite, est celle de Celeste Barber qui a reproduit la même photo en adoptant la même pose. Il n’y a aucune différence entre ces deux photos. Mis à part le fait que ce sont deux femmes avec des morphologies différentes. Cependant, les usagers qui ont voulu partager la photo de Celeste Barber ont reçu un message d’Instagram comme quoi la photo « ne respectait pas les conditions d’utilisation de l’application en matière de nudité. »
Alors, selon Instagram, une photo où on voit plus de peau est considérée comme irrespectueuse. Ainsi, certains types de corps sont invisibilisés sur les réseaux sociaux.
Pour conclure
Il est indéniable qu’encore en 2022, les corps des femmes sont soumis à des notions patriarcales oppressives sur les réseaux sociaux. Les humains qui conçoivent les algorithmes manquent d’ouverture d’esprit et de jugement critique en ce qui concerne les différents types de corps/morphologies. Globalement, plusieurs incohérences sur les réseaux sociaux démontrent l’obsession de ces derniers pour le corps des femmes. C’est en se mobilisant que l’attitude misogyne des plateformes sociales telles qu’Instagram et Facebook évoluera vers une attitude égalitaire envers tous.
Pour en savoir plus…
- Balados : Kiff ta race
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Article rédigé par Camille Racine et Chloé Arsenault dans le cadre du cours EDM1560 – Automne 2022 – Université du Québec à Montréal
Sources
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Florine Boukhelifa. (2020, 21 octobre) Pourquoi Instagram est de nouveau accusé de grossophobie ? (rtl.fr)
Garance Fitch Boribon. (2019, 23 juillet). Pudeur et censure. Sommes-nous occupés à devenir plus conservateurs?. RTBF. https://www.rtbf.be/article/pudeur-et-censure-sommes-nous-occupes-a-devenir-plus-conservateurs-10277139, (Page consultée le 22 octobre 2022).
Gouvernement du Québec. (2022, 22 août). Effets de l’hypersexualisation. https://www.quebec.ca/famille-et-soutien-aux-personnes/enfance/developpement-des-enfants/consequences-stereotypes-developpement/effets-hypersexualisation#c60982, (Page consultée le 22 octobre 2022).
Grégoire Collet et Florence Lavoie. (2020, 18 février). Instagram et la censure du corps. Journal francophone Ledélit Université de McGill. https://www.delitfrancais.com/2020/02/18/instagram-et-la-censure-du-corps/, (Page consultée le 22 octobre 2022).
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République française, vie publique. (2020, 18 juin) Algorithme: prévenir les risques de discriminations. Algorithmes : alerte sur les risques de discriminations | vie-publique.fr
Sisters Republic (2020, 24 novembre) . Free the nipple, un mouvement féministe très controversé. Free the Nipple : Un Mouvement Féministe Controversé (sistersrepublic.com)